Le pas lourd du panserbjorn résonnait dans les couloirs du Castel de Jais, mais il n'était pas aussi pesant que s'il avait pris son armure, sagement laissée dans le hall et confié un domestique - qui, par ailleurs, avait dû en appeller trois autres pour l'aider à la porter. A chaque fois qu'il croisait un esclave, domestique, courtisan ou autres habitants du Castel, il leur souriait ou leur montrait ses dents, selon la relation qu'il entretenait avec eux. Une petite domestique qui trottinait d'un pas silencieux passa devant lui et le salua, Iroy l'arrêta.
"Dis-moi, Silène, la Reine est-elle de bonne humeur aujourd'hui ?" demanda le panserbjorn
La dénommée Silène rougit brusquement et fit non de la tête, plantée droite devant l'ours, prête à recevoir une seconde question. Iroy soupira. Un soupir bruyant de nature, qu'il avait essayé de camoufler en sifflement. Desdémone avait décidement très mauvais caractère. Des huit jours où il avait tenté une approche, elle n'était jamais dans une humeur clémente. Tant pis, aujourd'hui, ça urgeait.
"Où est-elle ?"
La domestique sembla surprise qu'il souhaitâ quand même la rencontrer et resta muette quelques instants avant d'indiquer un couloir qui menait à son salon de thé, avant de repartir d'un pas aussi réguliers. Le chasseur de tête mit un certain temps à comprendre de quelle pièce elle voulait parler et hocha la tête ; à présent, il n'avait plus besoin de lui demander l'heure, il était five o'clock, comme le disait le nom du salon. Il pensa à Silène, qui restait toujours muette lors de leurs conversations. Enfin, elle restait muette, elle était muette, mais très candide. Iroy l'avait, à nombreuses reprises, sauvée d'une situation embarassante et elle était devenue une de ses informatrices favorites.
L'ours allongea le pas vers le petit salon privé de la Reine et caressa la porte de sa lourde patte, ce qui eut l'effet d'un véritable coup. Il grogna, agacé de sa propre maladresse et entra en entendant un invitation excedée. Desdémone avait été claire : il n'était pas nescessaire de demander une permission qui l'agaçait pour s'entretenir avec elle. Pourtant, parfois, elle entrait dans une de ses crises habituelles car il fallait toujours demander avant de la déranger. Depuis, Iroy jouait au dés et choisissait - ou pas - de frapper à la porte avant d'entrer. Il entra prudemment et tenta un regard vers la Reine. A l'oeil noir que lui jetait la Reine, il baissa la tête et s'agenouilla devant elle, sachant que cette fois, il aurait dû directement entrer.
"Mes honneurs, Reine d'Asgard. Je vous souhaite un règne long et prospère. Je souhaiterai m'entretenir avec Votre Majesté" récita-t-il d'un ton las